Le combat pour la liberté

Le combat pour la liberté

10le combat pour la liberte

 Le moindre légume, était automatiquement rejeté : vomissements, renvoies.  La mère de Angélique voyait en cela un rejet de sa fille, que sa fille ne l’aimait pas. Sa mère le lui a toujours reproché. Elle la comparait toujours à ses deux sœurs. Elles au moins mangeaient de tout. Pas comme elle. Celle qui créait des problèmes à sa mère, celle qui était obligée de l’emmener voir les médecins et de payer.

  • Tu me coûtes cher, tu n’as aucune volonté, tu pourrais faire des efforts ! » “ De quoi j’ai l’air dehors avec une fille qui ressemble à un squelette ambulant. Tu me fais honte, et tu fais peur à tout le monde.”

Quand Angélique était enfant, et que ses deux petites sœurs refusaient de manger leurs légumes, sa mère l'obligeait à rester devant son assiette pendant des heures jusqu’à ce qu’elle mange, car elle était la grande sœur, elle devait montrer l’exemple. Sa mère lui présentait à chaque repas les mêmes légumes jusqu'à ce qu'elle les mange avec des hauts le cœur. Une fois, elle a tout vomi dans son assiette.  Sa mère en rage s'est mise à lui hurler dessus en lui ordonnant de quand même tout manger.  Parfois, sa mère faisait valser son assiette à travers la pièce, laissant tétanisée d’effroi la petite Angélique. Angélique ne pouvait pas. Alors sa mère lui enfonçait la tête dans ses épinards noircis et dégoulinant.  Sa mère la menaçait une nouvelle fois comme elle avait l'habitude de le faire de se débarrasser d'elle en la mettant en pension avec les enfants difficiles et à problèmes comme elle.  Une fois, lorsqu’elle devait avoir 6 ans, sa mère l’a prise par le bras, Angélique avait refusé son repas une énième foi. Sa mère hurlait dans toute la maison.

  • Tu l’as cherché, tu l’as cherché”

Puis elle ouvrit la porte et balança sa fille dehors, sans manteau, sans chaussures, juste en chausson, en pleine hiver et elle regarda sa fille en lui disant

  • Je ne veux plus d’une fille comme toi, tu es méchante avec moi, vas voir chez les voisins s’ils sauront mieux te nourrir que moi. Tu n’es qu’une peste qui n’est pas reconnaissante pour tout ce que je fais pour toi, et tout l’argent que je dépense pour toi pour te soigner, pour savoir ce que tu as, te nourrir...tu es ingrate Vas t’en ! “

Elle était restée ce jour-là plantée devant le portail, grelottant. Et elle a attendu sa mère lui ouvrir. C’est son père qui la retrouva. Il lui demanda “qu’as -tu encore fait pour énerver ta mère !”.

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Angélique voyait parfois sa mère s’énerver car elle avait des obsessions non seulement hygiéniste, la peur de la maladie, mais l’obsession de la symétrie. Chaque chose devait être rangée à sa place. Les vêtements étaient rangés et pliés au millimètres près. Quand sa mère commença à lui demander de l’aider, elle s’appliquait à plier le linge à la perfection pour ne pas devoir tout refaire dix fois face à l’œil minutieux de sa mère. Les livres étaient rangées selon un certain ordre, par thème, puis par auteur. Les bibelots devaient être chacun à leur place, et lorsque l’une des filles les déplaçaient, leur mère les houspillaient en disant qu’elles mettaient le bazar partout où elle avait rangé. Les canapés devaient être collés à chaque trait de carrelage, bien symétriques. La table était dressée et digne d’un millimètre d’un grand restaurant. Il ne fallait pas se salir à table, ne pas mettre ses couverts sur la nappe mais sur le porte couvert, avoir une technique bien précise pour le moins possible utiliser sa serviette de table Leur mère disait tout le temps “

  • Voyez comme vous êtes sales et répugnantes, moi je n’ai même pas besoin de serviette de table, si on se tient bien et que l’on mange proprement, on n’en a pas besoin”

 

Ah bon ? même pour essuyer sa bouche après avoir bu de l’eau ?

  • Vous devez vous comporter tous les jours de la même manière comme si vous étiez en représentation face au monde. Qui dit que quelqu’un ne sonnera pas à la porte à l’instant même ? vous devez toujours montrer le meilleur de vous-même. Être digne de mon amour et me respecter en vous respectant vous-même. Il existe un code de bonne conduite. Je vous en donne les grandes lignes en vous éduquant. Prenez-en de la graine.
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Puis quand elle grandit, sa mère devint de plus en plus malade, vomissait parfois à certaines heures de la soirée. Même malade, cela ne l'empêchait pas d'être sans arrêt sur le dos de sa fille. Adolescente Angélique s'était demandée si sa mère n'était pas enceinte. Mais comme cela revenait régulièrement certains soirs et que les vomissements étaient plutôt matinaux, cela devait être autre chose. Consciente du contrôle qu’avait sa mère sur elle au sujet de l’alimentation, Angélique s’est demandée si sa mère n’avait pas un trouble alimentaire type anorexie-boulimie qui faisait qu’elle pouvait provoquer ses vomissements. Ce n’est que bien plus tard, même après avoir compris la maladie de sa mère, que Angélique fit le lien entre ses vomissements et un mal bien plus sournois dès lors qu’elle fut adolescente. Mais elle restait muette et n’osait pas demander à sa mère ce qui n’allait pas, elle connaissait la réponse “si je suis malade, c’est ta faute, ce sera toujours ta faute. Tu me rends malade !” Qu’avait elle fait pour rendre malade sa mère ? Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour lui plaire, pour la soulager dans la maison, pour s’entendre avec ses sœurs. Elle était une élève correcte et disciplinée. Elle ne faisait pas de vague. Elle ne comprenait pas pourquoi au téléphone sa mère appelait sa mamy pour lui dire de venir car “les filles sont insupportables et je n’en peux plus! Je vais finir par me jeter sous un train si tu ne viens pas ou ce sont elles que je jetterais “Sa mère était d’une fatigabilité maladive, toujours à se plaindre d'être à l’agonie. Angélique avait très peur pour sa mère, très peur de provoquer sa mort en lui créant des soucis. Pour Angélique, sa mère était une femme fragile qu’il fallait ménager et Angélique se devait de tout faire pour la soulager. Angélique était sa propre mère.

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Elle eut envie d'aller aux toilettes alors elle prévint sa tante qui lui demanda si elle savait où c'était et si elle avait besoin qu'on l'accompagne.

  • Non merci c'est bon.  Je suis grande maintenant.

Puis elle partit de la salle et se rendit aux toilettes. Elle rentra et en sortant, elle vit l'homme qui s'était fâché tout à l'heure avec sa mère.  Il lui bloquait la porte. Angélique recula méfiante.  Elle se rappelait les paroles de sa tante de ne pas s'approcher de lui.

  • N'ai pas peur, je ne vais pas te manger.  Je suis un parent de ta mère, je suis ton oncle.
  • Que me voulez-vous ?
  • Ta mère m'envoie te chercher.  Elle s'est trouvée mal et elle a besoin de ta compagnie.

Angélique s'inquiétant aussitôt pour sa mère demanda où elle était.

  • Viens suis moi.

 

Angélique le suivit quand il s’éloigna peu à peu du groupe et l’emmena vers un chemin qui allait vers la forêt. Angélique se demandait ce que sa mère avait bien pu faire là-bas, ne se doutant de rien. Et elle vit un petit cabanon.

  • Ta mère est à l'intérieur

Angélique entra, il faisait sombre.

  • Maman, où es-tu, je ne te vois pas. Où est ma maman ?

L’oncle se maintenait dans l’embrasure de la porte, la coinçant et l'empêchant de sortir. Angélique comprit qu’elle s'était fait prendre au piège.

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En effet, lorsque la fête fut finie, la petite famille rentra en silence. Le seuil de la porte franchie, sa mère coucha les deux plus petites, Angélique se faufila dans son lit. Elle savait que sa mère viendrait lui parler. Elle en avait la certitude. Elle va pouvoir lui demander ce qu’est un pervers, qu’elle a eu très peur et pourquoi l’oncle a dit que sa mère était douée pour cela. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Douée pour quoi ?

Sa mère vint la voir, Angélique s'apprêtait à lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur, mais sa mère comme une tornade, proféra ses paroles

  • Tu oublies tout ce que tu as vu, entendu, tu oublies tout, il ne s’est rien passé, tu racontes n'importe quoi ! Inventer des histoires pour se rendre intéressante, c’est finir chez les fous ? tu es folle? pourquoi tu dis des conneries pareils?
  • Mais maman, c’est vrai !
  • Tu me racontes n’importe quoi, tu fabules, tu t’imagines des choses. Mentir c’est très mal, et tu es en train de devenir une mauvaise, très mauvaise personne. Il n’y aura pas de procès puisqu’il ne s’est rien passé. Et tu n’appelleras pas ta tante car elle, et ma famille n’existe plus pour moi. Il n’y a que nous, que toi et moi. Les autres nous ont laissé tomber depuis longtemps. Alors maintenant, tu oublies tout. Maintenant, tu t’excuses
  • M’excuser pour quoi ?
  • Pour avoir proféré des mensonges
  • Mais maman !!!
  • Excuses toi ! avec toutes ces histoires, je commence à me sentir mal, tu veux ma mort ? c’est cela ? tu veux que je meurs ?
  • Non maman, je ne veux pas, dit Angélique au bord des larmes.
  • Alors excuse toi, et tout de suite
  • Pardon
  • Pardon pour quoi ?
  • Pardon pour avoir menti et t’avoir fait du mal, maman.
  • C’est bien, tu vois que tu peux être une gentille fille quand tu veux. Bon, maintenant je me sens mieux, je peux aller me coucher.

Sa mère partit, Angélique était perdue. Avait-elle tout inventé ? Voulait-elle se rendre intéressante ? C’est quoi un pervers ? elle n’aura pas eu sa réponse finalement. Pour l’amour de sa mère, elle mit cette journée au fond de sa mémoire, ses rires et ses larmes, et la joie d’avoir découvert une nouvelle famille en sa tante et ses cousins et cousines. Peut-être, les reverrait elle un jour ?

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